Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/237

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Aga. J’en ai pris mon parti. Depuis que des circonstances dans lesquelles, je l’avoue, ma volonté n’est entrée pour rien, m’ont permis de visiter, dans la sainte ville de Meshhed, le tombeau des Imams, et de manger la soupe de la mosquée le plus souvent que j’ai pu, il m’a paru au moins naturel de me décorer du titre de Meshhedy, pélerin de Meshhed. Cela donne un air d’homme religieux, grave et posé. J’ai ainsi le bonheur de me voir généralement connu, tantôt sous le nom de Baba-Meshhedy-Aga, ou sous celui que je préfère de Meshhdy-Aga-Beg. Mais Dieu dispose de tout ainsi qu’il lui plaît !

Je suis né dans un petit village du Khamsèh, province qui confine à l’Azerbeydjân. Mon village est situé au pied des montagnes, dans une charmante petite vallée, avec beaucoup de ruisseaux murmurants, qui courent à travers les grandes herbes en gazouillant de joie, et sautant sur les pierres polies. Leurs rives sont comme encombrées de saules épais dont le feuillage est si vert et si vivant, que c’est un plaisir de le regarder, et les oiseaux y nichent en foule et y font un remue-ménage qui jette la joie dans le cœur. Il n’y a rien de plus agréable au monde que de s’asseoir sous ces abris frais en fumant un bon kalian plein de vapeurs odorantes. On cultivait chez nous beaucoup de blé ; nous avions aussi des rizières et du coton nain, dont les tiges délicates étaient soigneusement abritées contre les chaleurs de l’été par des ricins plantés en quin-