Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/242

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l’habit que je porte ! Je jure sur ta tête que je n’ai pas été en état de le payer, bien qu’il ne vaille pas à coup sûr cinq sahabgrâns ! Comment donc pourrai-je payer à mon oncle la dot qu’il réclamera de moi ? S’il voulait se contenter d’une promesse !… Crois-tu que ce serait impossible ?

— Oh ! Impossible ! Tout à fait impossible ! répliqua Leïla en secouant la tête. Comment veux-tu que mon père donne pour rien une fille aussi jolie que moi ? Il faut être raisonnable.

En disant cela, elle se mit à regarder l’eau et à cueillir d’une main distraite quelques menues fleurettes qui couraient dans les herbes, le long de la rive ; en même temps, elle faisait une petite moue si gentille que je me sentis hors de moi. Cependant, je répondis avec sagesse :

— C’est un bien grand malheur ! Hélas ! Je ne possède rien au monde !

— Bien vrai ? dit-elle, et elle me jeta les bras autour du cou, me regardant d’un tel air en penchant sa tête de côté que, sans savoir comment et perdant tout-à fait l’esprit, je murmurai :

— J’ai trente tomans en or, enterrés à deux pas d’ici.

Et je lui montrai du doigt le tronc d’arbre au pied duquel j’avais enfoui mon trésor.

Elle se mit à rire, pendant qu’une sueur froide me coulait du front. — Menteur ! s’écria-t-elle en me don-