Aller au contenu

Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ces paroles cruelles émurent mon ami. Il commença à me raisonner ; il me dit tout ce qu’il put imaginer de consolant, continua à s’excuser sur son mariage, sur sa pauvreté notoire, sur mille autres choses encore, et, enfin, me voyant si désolé, il s’attendrit et me jeta ces paroles consolantes :

— Si j’étais sûr que tu me rendrais mon koulydjèh dans une heure !

— Par quoi veux-tu que je te le jure ? répondis-je avec feu.

— Tu me le rendras ?

— De suite ! Avant une heure ! Le temps de me montrer et de revenir ! Par ta tête ! Par mes yeux ! Par la vie de Leïla ! Par mon salut ! Puisse-je être brûlé comme un chien maudit pendant toute l’éternité, si tu n’as pas ton habit avant même de l’avoir désiré !

— Alors, viens.

Il me mena dans sa chambre, et je vis le magnifique vêtement. Il était jaune ! Il était superbe ! J’étais ravi ; je l’endossai vivement. Kérym s’écria que c’était un habit comme on n’en voyait pas, que le tailleur était un homme admirable, et que, certainement, il le paierait quelque jour par reconnaissance.

— Mais, ajouta-t-il, il n’est pas possible, sans déshonneur, de porter un tel habit avec des pantalons déchirés de toile bleue. Tiens ! voilà mes shalvars neufs en soie rouge.