Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/271

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— Moi-même, mon ami, mon parent, lumière de mes yeux ! Qu’as-tu fait de notre Leïla ?

— Hélas ! Lui dis-je, elle est morte !

— Oh ! mon Dieu ! quel malheur !

— Elle est morte, continuai-je, d’un air désolé, car sans cela serais-je ici ? Je suis capitaine dans le 2e régiment du Khamsèh et bien heureux de te revoir !

Il m’était venu dans l’esprit de dire à Souleyman que Leïla était morte, parce que je n’aimais pas à lui parler d’elle et que je voulais passer, le plus vite possible, à un autre sujet de conversation ; mais il ne s’y prêta pas.

— Dieu miséricordieux ! s’écria-t-il, morte ! Leïla est morte ! Et tu l’as laissée mourir, misérable que tu es ? Ne savais-tu donc pas que je n’aime qu’elle seule au monde et qu’elle n’a jamais aimé que moi !

— Oh ! que toi, lui répondis-je avec colère, que toi, c’est un peu hardi ce que tu me dis là ! Pourquoi, dans ce cas, ne l’as tu-pas épousée ?

— Parce que je ne possédais absolument rien du tout ! Mais, le jour même de ton mariage, elle m’a juré qu’elle divorcerait d’avec toi, pour venir me trouver, aussitôt que je pourrais lui donner une maison convenable ! C’est pourquoi, je suis parti, je suis venu ici, je suis devenu un des portiers de la Mosquée, et j’allais lui faire connaître ma fortune présente, quand, voilà que tu m’accables par ce coup inattendu !