Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/281

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Voyez, néanmoins, quels scélérats sont ces Turkomans ! Ils s’enfuirent, mais pas bien loin. Ils revinrent presque tout de suite et commencèrent à cavalcader autour de nos murailles. Ils avaient, à ce qu’il paraît, remarqué que nous n’avions pas tiré beaucoup. Ils s’aperçurent aisément que nous ne tirions plus du tout. La raison en était bonne : de poudre, il n’en restait rien ! Pas un grain, pas un atome ! Dieu sait parfaitement ce qu’il fait !

Nos ennemis voulurent alors essayer d’un nouvel assaut et une partie d’entre eux se transforma encore une fois en infanterie. Les voilà qui se mettent à grimper sur le talus du fort comme des fourmis ! Le vékyl à notre tête, nous sortîmes ; nous les bousculons encore, nous en tuons une douzaine, ils s’enfuient, la cavalerie nous charge, nous n’avons que le temps de rentrer dans notre trou, et nous voyons, de loin, la tête du vékyl au bout d’une lance courir au milieu des Turkomans.

Ah ! Je ne dois pas oublier de vous dire que nous avions eu grand froid la nuit. Pas un fil n’était sec sur nos pauvres corps. La pluie tombait toujours. Un peu d’herbe mouillée dans nos estomacs nous soutenait mal. Pour moi je souffrais beaucoup, et il nous était mort une soixantaine d’hommes, sans qu’on puisse s’expliquer pourquoi ni comment. Dieu très-haut et miséricordieux l’avait voulu ainsi !

La nuit fut encore très-mauvaise ; nous n’avions que