Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/285

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L’auguste Gouvernement nous a attaqués sans motifs, nous qui ne faisions de mal à personne, et en outre les vivres sont rares. Vous n’avez rien à manger ; nous, nous n’avons guère mangé depuis une semaine. Venez avec nous. Vous serez bien traités. Nous ne vous vendrons ni à Bokhara ni à Khiva. Nous vous garderons chez nous, et, si vos amis veulent vous racheter, nous serons tout prêts à accepter les rançons les plus raisonnables. Cela ne vaut-il pas mieux d’attendre paisiblement votre délivrance sous nos tentes, auprès d’un bon feu, que de risquer d’aller mourir de misère sur la route ?

Le vieux Turkoman avait la mine d’un brave homme. Ses camarades se mirent à nous parler de pain frais, de lait caillé et de mouton rôti. Il y eut une grande émotion parmi nous. Subitement, chacun jeta son fusil, et les ambassadeurs s’étant levés, on les suivit de plein gré.

Quand nous arrivâmes avec eux auprès des cavaliers, nous fûmes parfaitement accueillis ; on nous plaça au milieu de la bande, et, tandis que nous marchions, nous causions avec nos maîtres qui nous parurent de braves gens ; de temps en temps, à la vérité, quelqu’un de nous recevait un bon coup de fouet, mais c’était parce qu’il ne marchait pas assez vite : du reste, tout se passa très-bien sauf que, pour des gens aussi fatigués que nous l’étions, ce fut un peu dur d’avoir à faire un trajet de huit heures, à travers les