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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/298

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faire détacher et de nous laisser vaquer chacun à nos affaires. Pour moi, je ne songeais qu’à aller passer une bonne nuit, dont j’avais grand besoin, chez mon ami et parent, Moulla Souleyman. L’officier nous dit :

— Mes enfants, il faut être raisonnables. Vous autres, vous avez été délivrés par la générosité incomparable et surhumaine de mon oncle, le général Aly-Khan. Il a donné pour chacun de vous, à vos maîtres, dix tomans. Serait-il juste qu’il perdît une si forte somme ? Non ! ce ne serait pas juste, vous en conviendrez. D’autre part, s’il vous laissait aller, bien que vous soyez tous très-honnêtes et incapables de renier vos dettes, le malheur veut que vous n’ayez aucune ressource. De pauvres soldats, où trouveraient-ils de l’argent ? Dans cette pensée, mon oncle, la bonté même, va vous en faire trouver. En vous laissant la chaîne au cou jusqu’à ce que vous ayez réuni chacun quinze tomans que vous lui remettrez fidèlement, il vous procure le moyen de toucher le cœur des musulmans et d’exercer la charité publique. Ne vous désolez pas. Racontez vos malheurs, continuez à solliciter ceux qui vous approchent. Appelez-les tous, ces braves gens qui passent là ! Ils viendront ! Vous voyez qu’ils vous nourrissent très-bien. Peu à peu la pitié les touchera davantage, et leurs bourses s’ouvriront. Je ne vous trompe pas. Dans quelques jours, quand vous n’aurez plus d’espoir de