Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/307

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travaille à la maçonnerie. Me voilà donc capitaine, et je me mis à manger les soldats, comme on m’avait mangé moi-même, ce qui me donna une position très-honorable et dont je ne me plains pas.

Nous sommes les Gardes du Roi ; il a souvent été question de nous donner un uniforme magnifique, et même on en parle toujours. Je crois qu’on en parlera jusqu’à la fin du monde. Quelquefois on se propose de nous habiller comme les hommes qui veillent sur la vie de l’Empereur des Russes, et qui, à ce qu’il paraît, sont verts avec des galons et des broderies en or. D’autres fois, on veut nous habiller en rouge, toujours avec des galons, des broderies et des crépines d’or. Mais, vêtus ainsi, comment les soldats pourraient-ils se rendre utiles ? Et qui est-ce qui paierait ces beaux costumes ? En attendant qu’on ait trouvé un moyen, nos gens n’ont que des culottes déchirées et souvent pas de chapeaux.

Quand je me vis officier, je voulus vivre avec mes pareils et je fis beaucoup de connaissances. Mais parmi eux, je m’attachai singulièrement à un Sultan, un garçon d’un excellent caractère. Il a vécu longtemps chez les Férynghys, où on l’avait envoyé pour faire son éducation. Il m’a raconté des choses très-curieuses. Un soir que nous avions bu un peu plus de thé froid qu’à l’ordinaire, il m’exprima des opinions que je trouvai parfaitement raisonnables.

— Vois-tu, frère, me dit-il, tous les Iraniens sont