Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/324

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me brise, elle fera bien ! Ce qu’elle veut est bien ! Ah ! Djemylèh ! Djemylèh !

Il rentra chez lui, pâle, malade ; sa mère s’en aperçut. Elle le prit dans ses bras ; il appuya sa tête sur ses genoux et resta une partie de la nuit sans dormir, sans parler. La fièvre le rongeait. Le lendemain, il était tout à fait mal et demeura étendu sur son lit. À la faiblesse étrange qui l’envahissait, détendait ses membres, il lui sembla que sa fin était proche, et il en était content. Une hallucination presque perpétuelle lui montrait Djemylèh. Tantôt elle prononçait, du même accent dont il se souvenait si bien, ces mots qui, désormais, formaient son existence même : « Je suis bien à toi. » Tantôt, et le plus souvent, elle laissait tomber sur lui ce regard de dédain qu’il ne lui avait pas vu, mais qu’il était sûr d’avoir trop bien mérité. Alors il souhaitait d’en finir avec une existence sans bonheur.

Il lui arrivait aussi de chercher les moyens de revoir la fille de son oncle. Mais aussitôt son imagination était bridée par les impossibilités. Il avait pu une fois, une fois unique, en bravant tout, pénétrer dans l’intérieur de la maison ennemie. On sait ce qu’il allait y faire. Voulait-il, maintenant, risquer de perdre, avec lui-même et plus sûrement encore que lui-même, celle qu’il aimait ? Que penserait-elle, d’ailleurs, en le revoyant ? Le voulait-elle ? L’appelait-elle ? Ce lui serait, sans doute,