Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/323

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— Qu’ai-je fait ? se disait-il avec amertume ; je suis parti ! Quel lâche ! J’ai eu peur ! Ai-je eu peur ? Pourquoi suis-je parti ? Où est-elle ? La revoir ! Oh ! la revoir ! Seulement la voir encore ! Mais quand ? Jamais ! Jamais je ne la reverrai ! Je ne le lui ai pas demandé ! Je n’ai pas même eu le courage de lui dire que je l’aimais ! Elle me méprise ? Que peut-elle penser d’un misérable comme moi ? Elle ! elle ! Djemylèh ! Il lui faudrait à ses pieds, sous ses pieds… un Sultan ! un maître du monde ! Que suis-je ? Un chien ! Elle ne m’aimera jamais !

Il cacha son visage dans ses mains et pleura amèrement. Cependant, le souvenir d’une musique céleste s’éleva dans son esprit.

— Elle m’a dit : Je suis bien à toi !… L’a-t-elle dit ? l’a-t-elle réellement dit ?… Comment l’a-t-elle dit !… Je suis à toi !… Pourquoi ?… Toujours ?… Peut-être qu’elle n’a pas pensé ce que je crois… J’y donne un sens qu’elle n’y a pas mis… Elle voulait seulement par là me faire entendre… Ah ! que je souffre et comme je voudrais mourir ! Elle voulait sauver son frère, rien davantage ! Elle voulait me troubler ! Elle voulait s’amuser de moi… Les femmes sont perfides ! Eh bien ! qu’elle s’amuse ! qu’elle me trouble ! qu’elle me torture ! Si cela lui plaît, qui le lui défend ? Est-ce moi ? Non, certes, je suis son bien, je suis son jouet, la poussière de ses pieds, ce qu’elle voudra ! Qu’elle