Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/348

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

héréditairement hostile, c’était le fils même du plus cruel des persécuteurs de sa maison qui venait, à la vérité, de sauver Mohsèn et Djemylèh, mais qui, de fait, les tenait entre ses mains, aussi serrés que le moineau le peut être dans les serres de l’autour.

Le fils de Mohammed-Beg s’était cru sauvé, au moins pour quelque temps, et son imagination rapide venait même de lui présenter dans un tableau délicieux, Djemylèh, reposée, calme, heureuse. Le tableau fut brutalement arraché de sa tête et en place la réalité odieuse se peignit en couleurs noires. Derrière les amants, menaçaient l’oncle et la bande meurtrière ; si en cachant leurs noms et à la faveur de quelques mensonges, ils réussissaient à se débarrasser d’Akbar-Khan, ils allaient dans quelques minutes, tout au plus dans quelques heures, retomber sous le péril qui, certainement, les guettait. Il était grand jour, ils ne pouvaient plus songer à se cacher. Ne sachant où trouver un refuge, ils allaient être repris et perdus. Se mettre sous la protection d’Akbar-Khan, toujours au moyen de quelque fraude et en se faisant passer pour autres qu’ils n’étaient, c’était périr à coup sûr. Osman-Beg n’allait probablement pas tarder à les dénoncer, à les faire connaître et alors non-seulement Akbar les ferait périr, mais il les traiterait de lâches et leur reprocherait, non sans apparence de raison, d’avoir eu peur de lui ; alors, que deviendrait Djemylèh ?