Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/35

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— Non ! pas de Champagne ! dit Moreno, allons-nous-en ! Vous oubliez qu’on nous a remontré hier combien il était important de nous mettre en mouvement de bonne heure, avec la longue route que nous avons à faire.

— Certainement, certainement je m’en souviens ; mais je suis avant tout un gentilhomme ; et un homme comme moi est tenu de couronner sa journée autrement qu’en pleutre !

— Commençons-la comme des gens sensés, et allons-nous-en.

L’ingénieur se laissa persuader, et, chantonnant l’air des Fraises, alors fort à la mode dans le Caucase, il s’achemina avec son compagnon vers le bord du fleuve qu’ils allaient remonter. Leur moyen de transport était des plus simples et des moins en harmonie avec les prétentions de l’officier tatare, homme raffiné. On avait simplement mis à leur disposition une longue nacelle étroite et quatre bateliers, lesquels, dans leur propre intérêt, devaient faire beaucoup moins usage de leurs rames que d’une longue ficelle à laquelle deux d’entre eux allaient s’atteler, et marchant vers la rive, en façon de chevaux de halage, tirer le bateau à la cordelle. L’état-major de l’Argo, quand il visita cette contrée sous le commandement du capitaine Jason, aurait trouvé cet attelage primitif. Ce n’est pas qu’il n’existât un service de steamers, dont les journaux d’Europe et d’Amérique avaient fait quelque