Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/372

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Osman-Beg. Quelques-uns, indifférents à la question en elle-même, furent extrêmement indignés de l’intervention du Prince. Ils trouvèrent que celui-ci n’avait nullement le droit de se mêler d’une querelle qui ne le regardait pas, et, encore moins, d’ordonner à un noble Afghan de livrer ses hôtes. Là-dessus, ils prirent parti pour Mohammed. Mais un nombre considérable se rangea du côté d’Osman, uniquement pour avoir le plaisir de batailler. En somme, ce fut dans ce dernier parti que se trouva la majorité. La ville fut donc subitement en proie à une grande émotion ; les Hindous, les Persans, les Juifs, les gens tranquilles et de négoce se mirent à fermer leurs boutiques et à s’amasser dans les préaux des mosquées en poussant des gémissements lamentables et en assurant que le commerce était perdu pour jamais ; les femmes du commun montèrent sur les terrasses, d’où on les entendait se lamenter et déplorer d’avance la misère certaine de leurs petites familles ; les prêtres se rendaient gravement dans les maisons notables pour prêcher la paix et recommander la modération, en vantant les avantages de la mansuétude, état de l’âme dont personne n’avait jamais eu la moindre nouvelle dans le pays, et voilà comment allaient les choses parmi les pacifiques. En même temps, des groupes plus ou moins compactes, des troupes plus ou moins fortes, gens de pied et gens de cheval, le turban bleu, rayé de rouge, bien serré aux tempes, la ceinture ajustée