Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/376

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Personne n’osa mettre en doute la parfaite bonne foi du personnage qui, en effet, n’était, à ce moment, que trop sincère. Il était bien résolu à trahir, à livrer les jeunes gens ; il eût préféré ne pas céder ce point ; mais la raison d’État, mais la convenance voulaient qu’il imposât silence aux scrupules« de sa fierté, et il le fit. Un homme qui mène, à un degré quelconque, les intérêts des autres, perd nécessairement une grande partie de ses délicatesses de cœur, quand il ne les perd pas toutes. Un courtisan vit de concessions, d’atermoiements, de moyens termes de toute nature. Il ne fait jamais si bien qu’il le souhaiterait, quand il le souhaite, et même, lorsqu’il arrive au développement complet de son genre d’existence, il ne le souhaite plus du tout. Abdoullah-Khan ne se souciait guère de deux victimes de plus ou de moins : mais il lui eut convenu de nuire aux Ahmedzyys. Cela ne se pouvait, pour cette fois, sans des inconvénients trop graves. Il y renonçait donc. Quant au point d’honneur, il se promettait d’en réparer l’échec par un surcroît de morgue. Il se consolait surtout en pensant que nul n’était assez fort pour essayer de le faire rougir, sans qu’il s’en vengeât sur l’heure même.

On approche du terme où finit cette histoire. Les envoyés du chef de police, ayant fait grande diligence, arrivèrent à la tour vers le milieu de la nuit. Ils aperçurent aux rayons de la lune, alors dans son plein, un édifice carré, assez bas, percé d’une porte étroite et