Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/385

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homériques, cavaliers sublimes, protecteurs des navires.

Quand Lucie, appuyée sur le bras de Valerio, contempla du bord, par un temps magnifique, cette pointe de rochers bleuâtres sur laquelle s’élèvent les colonnes blanches du temple de Sunium, elle eut une sorte d’éblouissement. La grâce, la majesté, l’éternelle jeunesse lui apparurent à la fois dans ces restes mutilés, et toujours debout, de ce temple qui a vu Platon s’asseoir et enseigner à son ombre.

Une opinion du Dante, acceptée par l’Ordre de Saint-Dominique, enseigne que la damnation des hommes consistera en ceci, qu’ils obtiendront avec surcroît ce qu’ils ont aimé dans cette existence terrestre, ce qu’ils ont cherché, ce qu’ils ont voulu. Mis ainsi en possession de leur désir pour toute la longueur de l’éternité, il leur sera donné en même temps la peine de connaître ce qui est au-dessus, avec la certitude de ne pouvoir jamais l’atteindre.

Peu importe. Il est des dons de ce monde dont le pis aller se pourrait accepter, et le sentiment puissant de la nature est du nombre. Quand on voit bien et qu’on aime ce qu’on voit, qu’on le possède pleinement avec ce que l’intuition inventive de l’esprit lui fait contenir, on se rend maître de la nature elle-même ; on plane sur ses crêtes ; on descend en ses profondeurs.

Avouez que c’est beaucoup que de longer les plaines de la Troade, dominées par l’Olympe d’Asie, et là, de