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Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/405

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anciens et, à ce qu’on dit, le soleil ; les Turks voudraient le manger parce qu’il ne vénère ni Osman, ni Omar, ni Aboubekr, les Persans voudraient le voir manger parce qu’ils aiment les spectacles et le tapage ; les Chrétiens et les Juifs saisissent cette occasion de se montrer zélés partisans de l’unité divine. Dieu sait avec exactitude ce qu’il en est  ! Pour moi, je mettrais toute ma caravane en désordre, si je blessais les sentiments de ce monde. Le Shemsiyèh ne peut venir avec nous. Allons  ! s’écria-t-il d’une voix rude, allons  ! infidèle, scélérat maudit, décampe  ! Comment as-tu l’impudence de prétendre t’unir à une compagnie si honorable ?

— Je suis sujet du sultan, comme vous autres, répliqua le Shemsiyèh d’une voix assez ferme. Si je vais seul à Avadjyk, je serai volé et assassiné sur la route. Vous n’avez pas le droit de me repousser ; je ne fais de mal à personne, et les nouvelles lois sont pour moi aussi bien que pour les Musulmans et les autres gens du Livre.

Là-dessus, il s’éleva un tolle furieux parmi les citoyens de la caravane, les pierres recommencèrent à voler de toutes parts et des sabres même allaient se tirer quand Kerbelay-Houssein, assénant autour de lui trois ou quatre bons coups de bâton qui arrachèrent des cris de douleur aux victimes, mais calmèrent l’élan général, s’écria plus haut que tout le monde  :

— Je ne me soucie pas des nouvelles lois  ! Va t’en  !