Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/410

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des habitations ne se formait que de ballots montés les uns sur les autres et couverts par des pans d’étoffe interposés entre les rayons du soleil et la tête du propriétaire de ce qu’on ne saurait appeler un immeuble. Certains de ces arrangements étaient très-jolis et confortables, bien garnis de tapis et de coussins.

Dans le quartier populaire, on ne rencontrait que des bivouacs, des feux allumés, quelques baraques faites avec des bâts de mulets et de chameaux ; là, les gens, peu sybarites, dormaient étendus sous la lumière crue, avec leurs abbas sur la tête, et, partout, dans les trois quartiers, se dressaient les rôtisseries, les boutiques d’épiceries, les marchands de thé et de café, et l’on entendait dans plus d’un coin, dont le maître était invariablement un Arménien, le son d’une guitare et d’un tambourin. Il était sage de ne pas trop s’aventurer de ces côtés.

— Madame, dit en italien une voix cassée, madame, je vous salue et me présente à vous comme une femme bien malheureuse.

Lucie s’arrêta, Valerio en fit de même, et ils virent à leurs côtés une femme habillée en homme, à la mode persane, avec un chapeau de paille sur la tête.

— De quel pays êtes vous ? demanda Valerio.

— De Trieste, monsieur. Je me nomme madame Euphémie Cabarra. Telle que vous me voyez, j’exécute en ce moment, pour la vingt-septième fois, le voyage de ma ville natale à Téhéran.