Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

geois allemand. Grégoire Ivanitch Vialgue s’y rendit d’abord, frappa à la porte et fut admis.

Il rentra dans le salon de l’air dégagé qui lui était propre, ne salua aucunement la sainte image placée dans un angle, au sommet du plafond.

— Mon excellent ami, lui dit-il, j’ai fait un grand voyage ; j’arrive de Constantinople et, en dernier lieu, de Poti ; je n’ai pas pris une heure de repos et je vous apporte la fortune.

— Elle est la bienvenue, répondit Paul Petrowitch, bien venue assurément ; c’est une bonne dame, d’un certain âge, capricieuse ; mais, personne au monde, je pense, ne lui a jamais sciemment fermé sa porte.

— Bref, j’ai réussi dans nos projets au-delà de toute espérance.

— Racontez-le tout par le menu, répliqua Paul Petrowitch, d’un air de béatitude en étendant sur ses genoux son mouchoir de cotonnade bleue à raies rouges et s’introduisant dans le nez une forte prise de tabac.

— Voilà l’histoire. Ainsi que nous étions convenus, je me suis rendu, en vous quittant, il y a deux mois, à Redout-Kalé, où j’ai rencontré l’Arménien à qui j’avais donné rendez-vous. Il m’a exposé la situation. Lui et ses associés ont acheté à bon compte, ma foi ! six petites filles et quatre petits garçons. Il estime que sur ces dix enfants, qui promettent beaucoup, au moins quatre seront d’une beauté exceptionnelle et une petite fille