Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/48

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débarrassé de toute espèce de scrupule quant à la poursuite de ses plaisirs et de ceux des autres, nativement obligeant, et, du reste, ne voulant du mal à qui que ce soit au monde, excepté bien entendu à l’Esprit, à cause de tous nos malheurs d’ici-bas. Il tenait à ce point.

Quand il eut quitté le maître de police, il se rendit chez les Splendeurs de la Beauté, et trouva cette dame dans un état de santé aussi satisfaisant qu’il l’avait laissée lors de leur dernière entrevue. Elle se tenait dans une chambre, qui, pour être de construction à peu près européenne, n’en était pas moins meublée et accommodée à la tatare. À la vérité, on voyait pendre sur les murailles, blanchies à la chaux, des cadres dorés contenant des gravures coloriées représentant l’histoire de Cora et d’Alonzo, plus un portrait lithographié du maréchal Paskewitch orné de moustaches épouvantables, et, par une idée vraiment très-ingénieuse de l’artiste, regardant d’un œil du côté d’Érivan et suivant de l’autre la direction de Varsovie ; mais à part ces emprunts à un luxe exotique, le tapis jeté sur le sol était persan, et le long des murs s’étendaient des petits matelas étroits, formant divans et recouverts d’étoffes du pays. Les Splendeurs de la Beauté, avec un visage de pleine lune, des yeux comme deux diamants noirs un peu éteints, une bouche de grenade et une opulence de formes dans toute sa personne, qui eût ravi en extase un véritable Osmanli, était affaissée