Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/49

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sur elle-même au milieu d’un amas de coussins, et fumait méthodiquement son tjibouk, qu’elle soutenait de la main droite, tandis que de la gauche, paresseusement posée sur le matelas, elle tournait les grains de son tesbyh ou chapelet musulman. Bref, elle suivait consciencieusement le cours de ses occupations journalières qui consistaient à ne rien faire.

Il serait hardi de prétendre qu’elle ne pensait à rien. Cet état paradisiaque existe pour les hommes dans beaucoup de pays, mais il est à douter que nulle part il soit accessible aux femmes. La maîtresse danseuse songeait donc probablement à quelque chose. En apercevant Grégoire Ivanitch, elle lui dit avec une sorte de vivacité :

— Selam Aleykum ! Vous êtes le bienvenu !

— Aleyk-ous-Selam ! madame, repartit l’Ennemi de l’Esprit, mes yeux deviennent brillants du bonheur de vous voir !

— Bismillah ! Asseyez-vous, je vous prie !

Elle frappa des mains. Une servante fort sale apparut.

— Apporte ici une bouteille de raki et deux verres.

Grégoire ayant pris place, l’eau-de-vie se trouvant entre lui et la dame de céans, deux ou trois accolades furent données à la bouteille, puis les interlocuteurs se trouvant dans un état confortable, ils commencèrent la conversation.

Madame, dit l’Ennemi de l’Esprit, je viens de pro-