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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/19

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— D’accord.

Et, comme deux oiseaux, les charmantes filles s’élancèrent dans la gondole et s’y assirent. En passant dans le canal Saint-Georges, la signora Cornaro dit à son amie :

— Voilà ton beau fiancé.

En effet, une gondole élégante longeait la leur en ce moment.

Rosetta étouffa un bâillement profond avec son éventail, et répondit :

— Ah ! charmante, si tu savais comme il m’ennuie ! Cachons-nous de peur qu’il ne nous voie.

— Il n’a garde, répondit Cattarina : ne t’aperçois-tu pas qu’il est absorbé dans une conversation intime avec la Fiorella, prima donna du théâtre de Saint-Jean-Chrysostome ?

— Il a donc toujours cette Fiorella ? dit nonchalamment la future épouse. Quelle fidélité ! Ah ! voilà l’abbé. Gondolier, approchez du traghetto. L’abbé, sautez, et ne perdez pas votre perruque. Là, bien ! Les billets ?

— Les voilà, Excellence.

— Hâtons-nous !

La salle où Scaramouche et sa troupe donnaient leurs représentations était loin d’être digne du public d’élite qui s’y était réuni ce jour-là. Cependant, on paraissait faire peu d’attention à la rusticité du local, et de tous côtés on préludait par des rires de bon aloi au plaisir que l’on paraissait certain d’avoir et qu’on eut ; car jamais Polichinelle n’avait été plus vantard et plus colère,