Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/30

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autant d’esprit que de force. Nul soupçon ne m’est plus permis. Et toi, brave garçon, tu chantes à faire envie à un rossignol ; avec cela tu grimpes bien aux murs ; c’est en considération de ces qualités que tu ne seras pas bâtonné comme tu le mérites ! va-t’en en paix, et que je ne te revoie jamais sous mes pas.

Matteo, pendant ce discours, était devenu plus blanc que ses dentelles ; car, en voyant Rosetta rester calme et sourire tandis qu’on l’insultait, il lui fallut reconnaître qu’il était victime d’un infâme guet-apens auquel elle avait prêté les mains.

— Gondoliers, approchez ! dit l’oncle. Recevez monsieur, ajouta le comte en riant.

Et il le poussa d’une telle façon que Matteo tomba la tête la première dans le canal. Il eut le temps d’entendre le rire de Rosetta se mêler à celui des autres, puis il enfonça dans l’eau verdâtre, et s’évanouit.

Ses gondoliers, bonnes gens, au lieu de s’en aller, le retirèrent à grand-peine ; il est vrai qu’ils n’étaient pas encore payés ; puis, comme ils connaissaient le comédien, ils le portèrent à son logement. On le mit au lit ; deux heures s’écoulèrent et il ne reprenait pas connaissance. Le médecin que l’on fit appeler le traita comme un noyé, puis comme un asphyxié, puis comme un mort. Matteo revint à lui sur ces entrefaites ; mais il avait reçu un coup funeste. Il eut quelque peine à retrouver le souvenir de ce qui venait de se