Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/31

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passer. Son amour le remit sur la voie ; son esprit, par habitude, courut à l’image de Rosetta, et, le rire moqueur de la jeune fille lui revenant tout à coup en mémoire, il se mit à pleurer comme un enfant.

La nouvelle de son aventure s’était bien vite répandue. Les acteurs principaux en avaient amusé les oisifs des Procuraties ; et Rosetta, craignant comme le feu qu’on ne soupçonnât son cœur d’avoir été pour quelque chose dans cette affaire, s’empressa d’en régaler toutes ses amies. L’impresario de l’Opéra n’apprit pas plus tôt l’événement qu’il trembla pour sa représentation du soir ; le doge et la Seigneurie tout entière devaient s’y trouver, il n’y avait donc pas de retard possible. Je me trompe : le digne directeur était parfaitement libre de retarder le plaisir de tant de nobles patriciens en courant le risque de passer quelques jours en prison. A tort ou à raison, cette idée lui répugnait. Il prit sa canne et son chapeau, et courut chez l’infortuné ténor aussi vite que ses jambes le purent porter.

— Ah ! per lo bambino, cher seigneur, vous voilà bien malade ? Quelle douleur pour moi ! quel désespoir ! je voudrais être en votre place, mon cher amour ! Laissez-moi relever cet oreiller. Vous donnerai-je cette potion ? Prenez cette tisane ; ah ! prenez-la pour l’amour de moi !

— Monsieur, dit la vigilante hôtesse, qui s’était installée dans la chambre du malade pour voir un peu de quoi se composait sa garde-robe,