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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/39

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railleur ; le voilà, notre infidèle ! notre amant transi ! notre amoureux frénétique !

— Que dis-tu ?… Matteo !…

— Matteo, lui-même, belle confidente ! Serait-ce le Grand Turc, par hasard ? Il est vrai que si je me mettais en tête de le marier avec la République, j’y réussirais certainement.

— Bah ! Matteo est à Venise ! répéta la patricienne avec le plus grand étonnement. Ce gaillard-là n’a donc ni entrailles, ni amour-propre, à défaut de fierté ?

— Ah ! oui, fierté ! un comédien ! Pour toucher le bout du doigt d’une dame, ces gens-là tueraient père et mère ; mais je viens te chercher ; il va sans doute venir ; allons chez moi.

— Que prétends-tu faire, étourdie ?

— Moi ? rien ; quand j’aurai ri, je l’enverrai…

— Je comprends que tu l’enverras promener. Mais, tiens, à vrai dire, ce retour si prompt m’étonne, et je m’attends à quelque ennui.

— Je voudrais bien qu’il fît le fier, dit l’arrogante Rosetta ; il prendrait un second bain dans le canal.

Cependant, au milieu de tous ces discours, Cattarina avait appelé ses femmes ; une toilette élégante avait remplacé le déshabillé paresseux où l’avait trouvée son amie ; et elles partirent.

Les deux dames s’attendaient à trouver Matteo sur leur route ; elles ne le virent pas. Arrivées au palais Tiepolo, elles s’informèrent ; il n’était pas venu. Lecteur, je ne te tiendrai pas longtemps