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Page:Gobineau - Scaramouche - 1922. djvu.djvu/40

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dans l’ignorance ; Matteo, était en ce moment dans une des prisons du palais ducal, et voici comme. A peine arrivé à Venise, il nous a échappé ; nous allons retourner à lui. Il se leva de bonne heure, fit venir un coiffeur et, s’étant fait poudrer convenablement, il mit sa veste ventre de biche brodée - veste sans égale lorsqu’elle dessinait sa taille svelte et souple - et ce magnifique habit de velours prune pailleté d’argent qui, depuis, a fait tant de victimes. Il donnait un dernier coup d’œil à sa toilette quand Colombine entra et, le voyant en si grands frais d’élégance, s’écria de la porte :

— Eh ! bon cher jésus ! où vas-tu, mon Adonis ?

— Où irais-je, Colombine, répondit gravement Scaramouche, sinon chez cette ingrate, cette-infâme, cette…

— Trêve d’épithètes, je l’ai reconnue à la première. Sais-tu qu’en partant je soupçonnais une escapade de ce genre ? Tu ne m’as rien confié et dans le voyage je n’ai pu trouver l’occasion de te parler en secret. C’est une grande imprudence, Matteo !

— Peut-être. Tiens, elle m’a écrit ; voilà sa lettre.

— Le style en est pressant. C’est une impudente drôlesse ; te croit-elle assez bête pour ajouter foi à son maladroit verbiage ?

— Probablement, dit Matteo d’un air fat en donnant un dernier coup d’œil au miroir et en glissant avec indifférence un tout petit stylet dans la poche gauche de sa veste.

— Mais que veux-tu lui faire ?