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Dieu ! que ce n’est avec l’aide d’aucune analyse psychologique. Je vous l’ai tout à fait épargnée, et mon volume a pu s’en désenfler d’autant. Croyez-moi, les trois petites historiettes que je viens de vous raconter eussent pu suffire aisément à défrayer deux tomes in-octavo.

Voilà mes mérites, sachez-m’en gré ; je continue.

Nos amis étaient donc à Naples. La fortune leur souriait peu : car justement les comédiens de Goldoni commençaient à gagner faveur et, bien que quelques amateurs déterminés des canevas italiens tinssent encore fidèle compagnie aux masques, le beau monde courait plus volontiers où était la mode. On gagnait donc peu d’argent et l’on ne faisait guère que végéter.

Un soir, après le spectacle, Polichinelle était monté à sa chambre, située au cinquième étage d’un escalier tortueux et noir ; il s’était déshabillé tristement, en songeant à la mesquinerie de la recette ; puis, couché, il s’était mélancoliquement endormi et commençait à rêver couronnes et ducats jetés sur la scène par des mains libérales, vrai songe introduit par la porte d’ivoire, lorsque, au bas de l’escalier, se fit entendre un pas lourd et hésitant, qui commençait à monter en cherchant les marches. D’abord ce pas mystérieux se tira assez adroitement des difficultés de la situation ; il montait, montait avec prudence et succès, lorsque tout à coup la chance tourna, le pied glissa, une bruyante culbute ébranla tout l’escalier et fit