Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/100

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ger que trop cette manière de voir, bien que pour d’autres motifs ; il descendit chez lui, suivi de Didon, dans laquelle il entrevoyait avec une certaine terreur des préoccupations analogues aux siennes.

Mais il ne put tenir sur son lit. Il alluma un cigare, regagna le pont, et là commença une de ces promenades monotones, chères aux marins, dans lesquelles ils ont coutume de dépenser l’excédent de leurs rêveries, de leurs désirs étouffés, de leurs projets non réalisés, de leurs ennuis trop pesants. De l’extrémité de l’arrière au pied du grand mât, il marchait, l’esprit à mille lieues du monde des planches et des cordes où son corps s’agitait. Le ciel de la nuit était limpide et profond, la lune étincelante ; chacune des milliers d’étoiles flamboyait ; certainement son âme ne brillait pas moins en lui-même. Elle passait, comme un général d’armée, une étrange revue ; celle des formes charmantes auxquelles depuis qu’elle se connaissait elle avait voué, ne fût-ce qu’une semaine, un sentiment de tendre admiration. La fraîche Irlandaise aux traits fins qui l’avait fait rêver quand il était sorti d’Eton ; Molly Greeves,