Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/102

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trante et qui saisissait jusqu’à la dernière des fibres de son être. Était-ce dû seulement à la beauté d’Akrivie ? Cette beauté, il est vrai, était incomparable et supérieure à ce qu’il avait jamais vu ou rêvé ; cependant elle n’eût pas suffi à opérer le miracle. On n’aime plus aujourd’hui une femme uniquement parce qu’elle est belle ; cela arrivait autrefois, dans les temps antiques, dans les temps barbares, mais ne saurait plus se produire chez des esprits aussi raffinés que ceux de l’époque actuelle. L’énergique David, fils de Ruth, voulant à tout prix posséder une Bethsabé, dont il ne connaissait que les belles épaules, faisait tuer, à cette intention, son meilleur serviteur, accumulait les iniquités et risquait de se brouiller à jamais avec Jéhovah pour cette belle affaire. De même encore Pâris, fils de Priam, devait aller au-devant de tous les malheurs sur la simple vision de posséder un jour la créature la plus physiquement accomplie de l’univers ; bien que ne l’ayant jamais vue, il l’adorait d’avance et de confiance en cette qualité. Mais ce ne sont pas là des sentiments modernes, et Norton, grand analyste, n’avait pas besoin de considérer long-