Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/103

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temps l’état de son cœur pour se convaincre que l’agitation qu’il y voyait n’était pas le résultat de la seule influence des yeux. D’où venait-elle donc ? Akrivie était sans esprit, montrait l’ignorance baptismale en toutes choses, et, dénuée de la moindre coquetterie, n’avait cherché en rien à plaire pas plus qu’à déplaire à son admirateur ; s’il lui avait inspiré un sentiment quelconque, c’était celui de la curiosité, et il n’en était résulté sans doute sur l’imagination de la belle qu’une impression de la singularité des étrangers en général et des capitaines de la marine anglaise en particulier. Et pourtant Norton devinait quelque chose d’autre encore dans cette nature, si différente de celle des autres femmes qu’il avait plus ou moins aimées ; cette autre chose l’attirait, le charmait, en un mot qui contient tout, le rendait amoureux comme il l’était devenu. Il mit du temps à découvrir le secret ; à la fin il y réussit, et cela lui faisait honneur.

Les conditions d’existence réunies autour d’Akrivie étant exactement celles où se trouvaient les femmes d’il y a trois mille ans, isolement, affections limitées, ignorance absolue