Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/119

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Cinq à six ans en çà, un Grec des îles Ioniennes, le comte Spiridion Mella, était venu planter et cultiver la vigne à Antiparos, dans l’intention de lutter avec les produits de Santorin. Il réussissait ou ne réussissait pas, c’est ce que personne ne savait ; en tout cas, il représentait dans ce coin paisible l’omniprésence et l’omniagitation de l’industrie européenne. Antérieurement, il avait représenté bien d’autres choses. Au temps de sa jeunesse, il avait servi en Russie et figuré sur les cadres d’un régiment ; aide de camp d’un général, il s’était fait quelque réputation dans le beau monde de Moscou. Puis laissant là les épaulettes, il avait pris son chemin vers Constantinople, où la politique s’était emparée de lui. Préconisé par les uns, dénigré par les autres, il s’était difficilement faufilé à travers bien des méandres, et après d’assez longues années d’agitation, on l’avait vu à Alexandrie faisant le commerce. Là il s’était mis en relation avec des négociants, ce qui l’avait conduit dans l’Inde. Probablement les profits du voyage avaient été minces, car le comte Mella, retournant vers sa patrie avec un équipage très modeste, s’était établi