Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/12

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Quand le dernier doge se fut décoiffé de la corne ducale et que les îles Ioniennes ne surent plus à qui se rendre, le comte Jérôme Lanza devint le point de mire des espérances de ses compatriotes. Tout le monde se tourna vers lui dans l’attente de ce qu’il allait faire, et la patrie effarée sollicita ses conseils. Il ne trompa pas les espérances. Le front grave, la bouche serrée, il lui arriva de hocher la tête d’un air composé qui donna beaucoup à réfléchir. Il fut dévoué aux Français, très-dévoué aux Russes, extrêmement dévoué aux Anglais, et professa toujours hautement l’opinion que la domination qui précédait celle sous laquelle il parlait avait été désastreuse et bien heureusement remplacée. Les pouvoirs successifs le considérèrent comme un homme sûr et comme un grand citoyen ; il avait reçu la croix de la Légion d’honneur de l’empereur Napoléon Ier ; il devait à l’estime de l’empereur Alexandre la croix de Sainte-Anne, et la reine Victoria jugea que c’était honorer la croix de Saint-Georges que de la lui offrir. Il l’accepta avec une modeste fierté. Du reste, il était de mœurs simples, et allait dans les rues en habit noir râpé, en cra-