Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/156

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sa belle-sœur que les Anglais étaient d’aussi bons marins que les Hellènes, et comme les raisons pour prouver son dire lui manquaient, elle répétait avec constance : « je suis Anglaise, moi ! » et y mettait infiniment de fierté.

« Chère fille de Priam ! se dit Norton, elle commence à comprendre qu’elle a un mari. »

Akrivie apprit sa nouvelle langue très promptement ; elle apprit encore d’autres choses, lut un peu, mais ne s’attacha à rien de tout cela. Son mari lui fit faire un voyage en Angleterre ; elle fut très bien reçue, et avec tous les honneurs dus à une belle singularité. Il lui arriva même, dans un château du Yorkshire, où elle fut invitée, une sorte d’aventure bien propre à lui faire comprendre tout son mérite. Un délicieux jeune homme lui avoua la vérité vraie sur lui-même ; il passait les nuits à pleurer le triste sort d’une femme si supérieure unie par un destin toujours barbare et aveugle à un homme incapable de la comprendre. Il n’est pas sûr en effet qu’Akrivie comprît très bien Norton, mais il est incontestable qu’elle comprit encore moins le délicieux jeune homme, et elle s’ennuyait tellement en