Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/20

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antique n’était pas mieux faite. Elle avait les yeux de sa mère avec le feu sombre qui manquait à ceux-là ; beaucoup de calme, mais quelque chose sous son silence ; un nez aquilin, qui avec le temps devint un peu trop courbé, mais dont on était contraint d’admirer la noblesse ; des pieds, des mains à faire crier au miracle, et des dents comme deux fils de perles. Sa mère la regardait avec assez de complaisance ; son père Palazzi empruntait de l’argent à Jérôme pour être en état de ne lui rien refuser, et Jérôme, son parrain, restait en contemplation devant elle pendant des heures entières, livré à une sorte d’adoration extatique.

Cette félicité était de nature à se prolonger éternellement, quand un accident vint la troubler. Toute la bonne compagnie d’Argostoli et les officiers anglais fréquentaient le salon de la comtesse Palazzi. Chaque soir on y faisait le whist, et quelquefois les jeunes gens y dansaient ; d’autres fois encore ils y jouaient à une quantité de jeux innocents, où l’on se parle bas à l’oreille, et d’ordinaire l’hiver ne finissait pas sans quelques mariages. Un soir, Jérôme Lanza était particulièrement de bonne humeur,