Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/21

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presque gai ; il venait d’avancer à trois lieutenants leur solde du mois ; on était au 24, et naturellement c’était un acte d’obligeance dont il se savait gré. Il l’accomplissait souvent ; la garnison le connaissait bien ; tout le monde y gagnait, lui surtout. Il se sentait donc le cœur dilaté quand son regard tomba par hasard sur un groupe de jeunes gens, dont l’un lui parut considérer avec une attention soutenue sa chère Sophie.

C’était un grand garçon, mince et de tournure distinguée. Ses yeux trahissaient, malgré lui, la préoccupation la plus tendre. C’en était assez pour que le vieux comte prît garde ; mais tout à coup il pâlit légèrement, ses lèvres minces se serrèrent, il lui passa comme un nuage au-dessus du cerveau.

— Quel est ce charmant jeune homme ? demanda-t-il d’un air gracieux au chevalier Alexandre Paléocappa, qui se bourrait le nez de tabac à côté de lui.

— Ne le connaissez-vous pas ? C’est Gérasime Delfini, le fils de Catherine Delfini, si ravissante il y a quinze ans, qui faisait les beaux jours de Zante, et avec qui notre ancien