Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/213

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fond les passions, ayant le revenant bon de ses expériences, une pareille perle échouant sur les rives sauvages de la Baie-des-Iles, quelle merveille qu’une jolie main voulût se saisir d’un tel trésor ! Le trésor se prêtait à être ramassé, mais non pas serré dans un écrin, mis sous clef, gardé à jamais. L’amour est l’amour, il dure, il ne dure pas, il flambe, il fume, il s’éteint, il se rallume. Que diable ! on ne sait ce qu’il devient, et il ne faut pas se lier.

— Non, mademoiselle, répondit Charles en souriant à une question que lui adressait Lucy d’un air ému, non, je vous l’avoue, je n’aime pas la poésie, et en général je ne lis jamais rien ! Je suis essentiellement ce que vous appelez en Amérique un homme pratique. Je déteste les rêves et ne me plais qu’aux réalités. Je n’ai jamais lu ni Byron ni Lamartine, et Musset m’ennuierait beaucoup si je le trouvais sur ma table ; je ne le tolère qu’au théâtre, où l’on peut au moins, pendant la pièce, regarder dans les loges si les femmes sont jolies, ou causer avec ses voisins. Laissons cela ; les idées de chacun n’ont pas besoin de messieurs qui accouplent des rimes pour dire des fadaises, et