Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/22

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ami César Tsalla a été si lié. Vous vous souvenez bien de César Tsalla, pauvre diable ! dit en terminant l’imbécile. Et il s’enveloppa le visage dans un immense mouchoir de coton bleu pour étouffer, mais trop tard, le plus sonore des éternuements.

Pendant que ce bout de conversation avait lieu, Gérasime Delfini s’était mis au piano et chantait un air du poète et musicien zantiote Solomo, d’une voix qui parut à Jérôme Lanza produire l’impression la plus vive sur la belle Sophie. D’un regard qui ne pouvait pas se tromper, il aperçut en quelque sorte le cœur même de sa filleule, il le vit battre, il en compta les palpitations précipitées. Sans qu’elle s’en aperçût, tant elle était absorbée, ce regard, le plus incisif et le plus aigu de tous les regards, entra dans ses yeux, et y trouva et y vit des larmes et s’y brûla ; il entra dans cette tête charmante, que l’aile de la passion touchait et courbait légèrement du côté de la voix séductrice ; il y découvrit, il y saisit en flagrant délit d’existence ce monde de pensées que l’amour demande et que la jeunesse tient toutes prêtes. Enfin, il acquit la conviction absolue que