Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/220

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Lucy s’aperçut alors qu’il y avait un coup de vent. Presque aussitôt Barton parut avec M. John, et comme tout ce monde ne quitta plus le salon, il n’y eut plus d’entretien particulier possible ; seulement, la joie de Lucy était si évidente, elle prenait si peu soin de la cacher, elle avait pour Charles des attentions, des coquetteries et presque des tendresses si vives, que celui-ci en éprouvait le plus cruel malaise, et, en lui-même, se laissait aller à qualifier sévèrement une franchise de si mauvais goût ; il ne fut donc pas autrement fâché quand Barton, après avoir sommeillé toute la soirée, déclara, en s’étirant avec un bâillement formidable, qu’il était temps d’aller se coucher, et on lui obéit.

Charles avait une nature trop fine et trop nerveuse pour s’endormir brusquement, comme les gens grossiers dont il était entouré. Il eût volontiers entonné un chant de triomphe, s’il n’avait professé pour les manifestations bruyantes le plus juste mépris. L’îlot de Barton lui faisait aussi l’effet d’une île enchantée, et il se rappelait quelque chose qu’il avait lu dans la Bibliothèque des chemins de fer sur les enchantements de Tahiti et des territoires adjacents.