Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/221

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Il ne pouvait s’empêcher de rire en pensant à l’effet qu’il allait produire à son club, quand il raconterait ses aventures par terre et par mer. Naguère, il avait compté modestement sur ses exploits contre les caribous ; mais il en aurait bien d’autres à étaler ! Réellement, il vit passer devant ses yeux tant d’images ravissantes, que son imagination en était tout illuminée dans les ténèbres de la nuit, et en dépit de lui-même, de cette nature correcte dont il faisait gloire, il faut le déclarer, il fut poète ! Et tellement poète, que le matin à six heures, ne tenant plus dans son lit, il s’habilla pour aller sur les grèves mirer son bonheur dans celui de la nature, qui, partout et sous toutes les latitudes, est heureuse.

Il passait devant la porte du salon, quand cette porte s’ouvrit toute grande, et il se trouva en face de Georges Barton et de son fils. Les deux géants le regardèrent avec des yeux étincelants de joie, et l’orgueil du bonheur peint sur leurs larges figures.

— Donnez-moi votre main, mon brave garçon, donnez-la-moi ! Donnez-la à Patrice ! Je vous ai aimé tout de suite ; j’ai deviné d’abord,