Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/29

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parler ! Ah ! Sophie ! plutôt mourir mille fois et de suite, à l’instant, du genre de mort le plus atroce, et ne pas souffrir un martyre pareil ! Votre mère, cruelle et sans âme (pardonnez-moi ce blasphème, ange adoré, qu’une trop juste indignation arrache à mon âme ulcérée !), votre mère n’a donc jamais connu la pitié, puisqu’elle me repousse ainsi loin de vous ? Mais qu’ai-je fait ? De quoi suis-je coupable ? J’allais aujourd’hui même lui demander votre main. Je croyais que mille raisons existaient qui pouvaient me la faire obtenir ; mon rang, ma fortune, une existence dévouée à l’amour de la patrie souffrante, tous ces sentiments généreux que je sens brûler dans mon âme et que vos vertus eussent encore fait grandir ! Pourquoi m’écarter avec cette violence ? Ah ! Sophie, ma Sophie vous m’avez permis de vous aimer, de vous le dire, de tout espérer ; me faut-il perdre à jamais cette couronne de gloire dont j’allais me parer et qui m’aurait fait le plus heureux des hommes ?… »

Il y en avait huit pages sur ce ton-là, mélange très-naturel, dans le Midi, de sentiments parfaitement vrais que l’emphase de l’expres-