Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentit pas surgir dans un coin de sa cervelle quelqu’une de ces vilaines méfiances dont les gens cultivés ont provision. Mais si ce malheur lui arriva, il faut répondre à sa louange qu’il ne permit pas à cette infamie de se produire devant sa réflexion, et tout ce qui en résulta, c’est que, par une réaction qui lui fit honneur, il passa sur le ventre du cant britannique pour répondre paisiblement à M. de Moncade :

— Je ne croyais pas qu’il pût rien exister d’aussi parfait que mademoiselle.

— Ce n’est pas, poursuivit le consul d’Angleterre, que ma filleule n’ait de dignes rivales dans notre île. Lorsque vous viendrez dimanche à la messe, vous verrez que nos jeunes filles sont jolies ; mais une autre comme elle ne se rencontre pas, c’est un fait incontesté ; et cela ne la fâche pas. Voulez-vous une cigarette ?

On passa du tabac. Norton se dit :

« Je suis fou ou occupé à le devenir. Elle est jolie ; à quoi servirait de le contester ? Mais fagotée comme on ne l’est pas ! Elle me paraît gracieuse, parce que je suis à Naxos et que je la vois à travers un fouillis d’orangers et de lauriers-roses ; dans un salon de Londres,