Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/92

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ce serait différent. Je crois entendre d’ici les bonnes remarques de lady Jane. Quel massacre ! Et puis, d’ailleurs, quelle éducation a reçue cette malheureuse enfant ? Elle doit être sotte à plaisir ! Il faut que je la fasse causer. »

Dans les pays du Levant, des gens se voulant du bien et heureux d’être ensemble, jouissent volontiers de ce plaisir pendant des heures entières sans ouvrir la bouche. On reste assis, on fume, on se regarde, on est content, on ne souffle pas mot, et on n’a pas la moindre envie de faire de l’esprit. C’est ce qui explique comment les habitants de ce pays-là ne s’ennuient jamais. Norton aurait donc pu prolonger indéfiniment son reploiement en lui-même sans que le fait parût extraordinaire. Le maître de la maison, aidé d’un petit domestique, préparait savamment des limonades. Madame Marie comptait les grains de son chapelet avec béatitude. Madame Triantaphyllon berçait doucement le gros baby, qui, ayant réussi à faire un trou dans son orange, s’était endormi en la suçant, et les deux garçons étaient partis avec la servante syrienne et le nourrisson. La belle Akrivie regardait franchement l’étranger, et, sans nulle