Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/101

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buvaient les troupeaux de Jacob est comblé par les sables, la vigne de Naboth a été envahie par le désert, tout comme l’emplacement du palais d’Achab par les ronces. Et dans ce misérable coin du monde, que furent les Juifs ? Je le répète, un peuple habile en tout ce qu’il entreprit, un peuple libre, un peuple fort, un peuple intelligent, et qui, avant de perdre bravement, les armes à la main, le titre de nation indépendante, avait fourni au monde presque autant de docteurs que de marchands (1)[1].

Les Grecs, les Grecs eux-mêmes, étaient loin d’avoir à se louer en tout des circonstances géographiques. Leur pays n’était, en bien des parties, qu’une terre misérable. Si l’Arcadie fut un pays aimé des pasteurs, si la Béotie se déclara chère à Cérès et à Triptolème, l’Arcadie et la Béotie jouent un rôle bien mince dans l’histoire hellénique. La riche Corinthe elle-même, la ville favorite de Plutus et de Vénus Mélanis, ne brille ici qu’au second rang. À qui revient la gloire ? à Athènes, dont une poussière blanchâtre couvrait la campagne et les maigres oliviers ; à Athènes, qui, pour commerce principal, vendait des statues et des livres ; puis à Sparte, enterrée dans une vallée étroite, au fond des entassements de rocs où la victoire allait la chercher.

Et Rome, dans le pauvre canton du Latium où la mirent ses fondateurs, au bord de ce petit Tibre, qui venait déboucher sur une côte presque inconnue, que jamais vaisseau phénicien ou grec ne touchait que par hasard, est-ce par sa disposition topographique qu’elle est devenue la maîtresse du monde ? Mais, aussitôt que le monde obéit aux enseignes romaines, la politique trouva sa métropole mal placée, et la ville éternelle commença la longue série de ses affronts. Les premiers empereurs, ayant surtout les yeux tournés vers la Grèce, y résidèrent presque toujours. Tibère, en Italie, se tenait à Captée, entre les deux moitiés de son univers. Ses successeurs allaient à Antioche. Quelques-uns, préoccupés des affaires gauloises, montèrent jusqu’à Trèves. Enfin un décret final enleva à

  1. Salvador, Histoire des Juifs. In-8°. Paris.