Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/121

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ils se confondaient, sous ce rapport, avec des peuples différemment gouvernés, mais de race très parente, et ne faisaient que participer à un ensemble de civilisation, Ainsi, les Carthaginois et les Phéniciens, éloignés les uns des autres, n’en étaient pas moins unis dans un mode de culture semblable et qui avait son type en Assyrie. Les républiques italiennes s’unissaient dans le mouvement d’idées et d’opinions dominant au sein des monarchies voisines. Les villes impériales souabes et thuringiennes, fort indépendantes au point de vue politique, étaient tout à fait annexées au progrès ou à la décadence générale de la race allemande. Il résulte de ces observations que M. Guizot, en distribuant ainsi aux peuples des numéros de mérite calculés sur le degré et la forme de leurs libertés, crée dans les races des disjonctions injustifiables et des différences qui n’existent pas. Une discussion poussée trop loin ne serait pas à sa place ici, et je passe rapidement ; si pourtant il y avait lieu d’entamer la controverse, ne devrait-on pas se refuser à admettre pour Pise, pour Gênes, pour Venise et les autres, une infériorité vis-à-vis de pays tels que Milan, Naples et Rome ?

Mais M. Guizot va lui-même au-devant de cette objection. S’il ne reconnaît pas la civilisation chez un peuple doucement gouverné, mais retenu dans une situation de compression », il ne l’admet pas davantage chez un autre peuple « dont l’existence matérielle est moins douce, moins commode, supportable cependant ; dont, en revanche, on n’a point négligé les besoins moraux, intellectuels... ; dont on cultive les sentiments élevés, purs ; dont les croyances religieuses, morales, ont atteint un certain degré de développement, mais chez qui le principe de la liberté est étouffé ; où l’on mesure à chacun sa part de vérité ; où l’on ne permet à personne de la chercher à lui tout seul. C’est l’état où sont tombées la plupart des populations de l’Asie, où les dominations théocratiques retiennent l’humanité ; c’est l’état des Hindous, par exemple  (1)[1]

  1. M. Guizot, Histoire de la civilisation en Europe, p. 11 et passim.