Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/127

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Au contraire, chez la plupart des tribus nègres du degré correspondant, les habitudes sont agissantes moins que pensives, et l’imagination y donne plus de prix aux choses qui ne se voient pas qu’à celles qui se touchent. Je n’en tirerai pas la conséquence d’une supériorité de ces dernières races sauvages sur les premières, au point de vue de la civilisation, car elles ne sont pas, l’expérience des siècles le prouve, plus susceptibles d’y atteindre les unes que les autres. Les temps ont passé et ne les ont vues rien faire pour améliorer leur sort, enfermées qu’elles sont toutes dans une égale incapacité de combiner assez d’idées avec assez de faits pour sortir de leur abaissement. Je me borne à remarquer que, dans le plus bas degré des peuplades humaines, je trouve ce double courant, diversement constitué, dont je vais avoir à suivre la marche à mesure que je monterai.

Au-dessus des Samoyèdes, comme des nègres Fidas et Pélagiens, il faut placer ces tribus qui ne se contentent pas tout à fait d’une cabane de branchages et de rapports sociaux basés sur la force seule, mais qui comprennent et désirent un état meilleur. Elles sont élevées d’un degré au-dessus des plus barbares. Appartiennent-elles à la série des races plus actives que pensantes, on les verra perfectionner leurs instruments de travail, leurs armes, leur parure ; avoir un gouvernement où les guerriers domineront sur les prêtres, où la science des échanges acquerra un certain développement, où l’esprit mercantile paraîtra déjà assez accusé. Les guerres, toujours cruelles, auront cependant une tendance caractérisée vers le pillage ; en un mot, le bien-être, les jouissances physiques, seront le but principal des individus. Je trouve la réalisation de ce tableau dans plusieurs des nations mongoles ; je la découvre encore, bien qu’avec des différences honorables, chez les Quichuas et les Aymaras du Pérou ; et j’en rencontrerai l’antithèse, c’est-à-dire plus de détachement des intérêts matériels, chez les Dahomeys de l’Afrique occidentale et chez les Cafres.

Maintenant je poursuis la marche ascendante. J’abandonne ces groupes dont le système social n’est pas assez vigoureux pour savoir s’imposer, avec la fusion du sang, à des multitudes