Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/180

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d’unité primordiale, je vais maintenant tâcher d’exposer, autant que faire se peut, par les moyens qui me restent, les causes probables de divergences physiologiques si indélébiles.

Personne ne sera tenté de le nier, il plane au-dessus d’une question de cette gravité une mystérieuse obscurité, grosse de causes à la fois physiques et immatérielles. Certaines raisons relevant du domaine divin, et dont l’esprit effrayé sent le voisinage sans en deviner la nature, dominent au fond des plus épaisses ténèbres du problème, et il est bien vraisemblable que les agents terrestres, auxquels on demande la clef du secret, ne sont eux-mêmes que des instruments, des ressorts inférieurs de la grande œuvre. Les origines de toutes choses, de tous les mouvements, de tous les faits, sont, non pas des infiniment petits, comme on s’amuse souvent à le dire, mais tellement immenses, au contraire, tellement vastes et démesurées vis-à-vis de notre faiblesse, que nous pouvons les soupçonner et indiquer que peut-être elles existent, sans jamais pouvoir espérer les toucher du doigt ni les révéler d’une manière sûre. De même que, dans une chaîne de fer destinée à supporter un grand poids, il arrive fréquemment que l’anneau le plus rapproché de l’objet est le plus petit, de même la cause dernière peut sembler souvent presque insignifiante, et si on s’arrête à la considérer isolément, on oublie la longue série qui la précède et la soutient, et qui, forte et puissante, prend son attache hors de la vue. Il ne faut donc pas, avec l’anecdote antique, s’émerveiller de la puissance de la feuille de rose qui fit déborder l’eau : il est plus juste de considérer que l’accident gisait au fond du liquide surabondamment renfermé dans les flancs du vase. Rendons tout respect aux causes premières, génératrices, célestes et lointaines, sans lesquelles rien n’existerait, et qui, confidentes du motif divin, ont droit à une part de la vénération rendue à leur auteur omnipotent ; cependant, abstenons-nous d’en parler ici. Il n’est pas à propos de sortir de la sphère humaine où seulement on peut espérer de rencontrer des certitudes, et il convient de se borner à saisir la chaîne, sinon par son dernier et moindre anneau, du moins par sa partie visible et tangible, sans avoir la prétention, trop difficile