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veloppement que dans la mesure où il y aurait eu nécessité. Il en résulterait que les races mâles posséderaient un langage plus précis, plus abondant, plus riche que les races femelles, et comme, en outre, les besoins matériels s’adressent à des objets qui tombent sous les sens et se manifestent surtout par des actes, la lexicologie serait la partie principale des idiomes.

Le mécanisme grammatical et la syntaxe n’auraient jamais eu occasion de dépasser les limites des combinaisons les plus élémentaires et les plus simples. Un enchaînement de sons bien ou mal liés suffit toujours pour exprimer un besoin, et le geste, commentaire facile, peut suppléer à ce que l’expression laisse d’obscur[1], comme le savent bien les Chinois. Et ce n’est pas seulement la synthèse du langage qui serait demeurée dans l’enfance. Il aurait fallu subir un autre genre de pauvreté non moins sensible, en se passant d’harmonie, de nombre et de rythme. Qu’importe, en effet, le mérite mélodique là où il s’agit seulement d’obtenir un résultat positif ? Les langues auraient été l’assemblage irréfléchi, fortuit, de sons indifféremment appliqués.

Cette théorie dispose de quelques arguments. Le chinois, langue d’une race masculine, semble, d’abord, n’avoir été conçu que dans un but utilitaire. Le mot ne s’y est pas élevé au-dessus du son. Il est resté monosyllabe. Là, point de développements lexicologiques. Pas de racine donnant naissance à des familles de dérivés. Tous les mots sont racines, ils ne se modifient pas par eux-mêmes, mais entre eux, et suivant un mode très grossier de juxtaposition. Là se rencontre une simplicité grammaticale d’où il résulte une extrême uniformité dans le discours, et qui exclut, pour des intelligences habituées aux formes riches, variées, abondantes, aux intarissables combinaisons d’idiomes plus heureux, jusqu’à l’idée même de la perfection esthétique. Il faut cependant ajouter que rien n’autorise à admettre que les Chinois eux-mêmes éprouvent cette dernière impression, et, par conséquent, puisque leur langage a un but de beauté pour ceux qui le parlent, puisqu’il est soumis à cer-

  1. W. de Humboldt, Ueber die Kawi-Sprache. Einl.