Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/236

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fréquemment son application pour qu’on soit contraint de lui reconnaître quelque réalité. Mais, certes, on ne saurait en user avec trop de réserve, sous peine de s’aventurer dans des sentiers sans clarté, où le bon sens se fourvoie bientôt.

Ces indications, si faibles qu’elles soient, démontrent que le besoin matériel n’a pas seul présidé à la formation des langages, et que les hommes y ont mis en jeu leurs plus belles facultés. Ils n’ont pas appliqué arbitrairement les sons aux choses et aux idées. Ils n’ont procédé, en cette matière, qu’en vertu d’un ordre préétabli dons ils trouvaient en eux-mêmes la révélation. Dès lors, tel de ces premiers langages, si rude, si pauvre et si grossier qu’on se le représente, n’en contenait pas moins tous les éléments nécessaires pour que ses rameaux futurs pussent se développer un jour dans un sens logique, raisonnable et nécessaire.

M. Guillaume de Humboldt a remarqué, avec sa perspicacité ordinaire, que chaque langue existe dans une grande indépendance de la volonté des hommes qui la parlent. Se nouant étroitement à leur état intellectuel, elle est, tout à fait, au-dessus de la puissance de leurs caprices, et il n’est pas en leur pouvoir de l’altérer arbitrairement, Des essais dans ce genre en fournissent de curieux témoignages.

Les tribus des Boschismans ont inventé un système d’altération de leur langage, destiné à le rendre inintelligible à tous ceux qui ne sont pas initiés au procédé modificateur. Quelques peuplades du Caucase pratiquent la même coutume. Malgré tous les efforts, le résultat obtenu ne dépasse pas la simple adjonction ou intercalation d’une syllabe subsidiaire au commencement, au milieu ou à la fin des mots. À part cet élément parasite, la langue est demeurée la même, aussi peu altérée dans le fond que dans les formes.

Une tentative plus complète a été relevée par M. Sylvestre de Sacy, à propos de la langue balaïbalan. Ce bizarre idiome avait été composé par les Soufis, à l’usage de leurs livres mysti-

    ruht, hat unstreitig aof die primitive Wortbezeichnung, eine grosse, vielleicht ausschliessliche Herrschaft ausgeübt. »