Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/238

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Mais, là où l’intelligence des races a rencontré des impasses et éprouvé des lacunes, la langue en a eu aussi. C’est ce que démontrent le chinois, le sanscrit, le grec, le groupe sémitique. J’ai déjà relevé, pour le chinois, une tendance plus particulièrement utilitaire conforme à la voie où chemine l’esprit de la variété. La plantureuse abondance d’expressions philosophiques et ethnologiques du sanscrit, sa richesse et sa beauté eurythmiques sont encore parallèles au génie de la nation. Il en est de même dans le grec, tandis que le défaut de précision des idiomes parlés par les peuples sémites s’accorde parfaitement avec le naturel de ces familles.

Si, quittant les hauteurs un peu vaporeuses des âges reculés, nous descendons sur des collines historiques plus rapprochées de nos temps, nous assistons, cette fois, à la naissance même d’une multitude d’idiomes, et ce grand phénomène nous fait voir plus nettement encore avec quelle fidélité le génie ethnique se mire dans les langages.

Aussitôt qu’a lieu le mélange des peuples, les langues respectives subissent une révolution, tantôt lente, tantôt subite, toujours inévitable. Elles s’altèrent, et, au bout de peu de temps, meurent. L’idiome nouveau qui les remplace est un compromis entre les types disparus, et chaque race y apporte une part d’autant plus forte qu’elle a fourni plus d’individus à la société naissante[1]. C’est ainsi que, dans nos populations occidentales, depuis le XIIIe siècle, les dialectes germaniques ont dû céder, non pas devant le latin, mais devant le roman[2], à

    réparer leurs maux, à réunir leurs membres lacérés, à rétablir une unité, une régularité suffisante, alors même que la beauté et la perfection de ces nobles plantes a déjà presque entièrement disparu. » (C. O. Müller, die Etrusker, p. 65.)

  1. Pott, Encycl. Ersch und Gruber, Indo-german. Sprachst., p. 74.
  2. Le mélange des idiomes, proportionnel au mélange des races dans une nation, avait déjà été observé lorsque la science philologique n’existait, pour ainsi dire, pas encore. J’en citerai le témoignage que voici : « On peut poser comme une règle constante qu’à proportion du nombre des étrangers qui s’établiront dans un pays, les mots de la langue qu’ils parlent entreront dans le langage de ce pays-là, et par degrés s’y naturaliseront, pour ainsi dire, et de-