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naissance à la populeuse famille malaye, et, de l’autre, vers l’ouest, ce qui la conduisait sur les terres européennes encore inoccupées.

Cette bifurcation de l’invasion jaune démontre, d’une manière évidente, que les flots des arrivants rencontraient, sur leur front, une cause puissante qui les contraignait à se diviser. Ils étaient brisés, vers les plaines de la Mantchourie, par une digue forte et compacte, et bien du temps se passa avant qu’ils pussent inonder, à leur aise, les vastes régions centrales où campent, aujourd’hui, leurs descendants. Ils ruisselaient donc, en nombreux courants, sur les flancs de l’obstacle, occupant d’abord les contrées désertes, et c’est pour ce motif que les peuples jaunes devinrent les premiers possesseurs de l’Europe.

Cette race a semé ses tombeaux et quelques-uns de ses instruments de chasse et de guerre dans les steppes de la Sibérie, comme dans les forêts scandinaves et les tourbières des îles Britanniques (1)[1]. À prononcer d’après la façon de ces ustensiles, on ne saurait juger la race jaune beaucoup plus favorablement que les maîtres noirs du sud. Ce n’était pas alors, sur la plus grande partie de la terre, le génie, ni même l’intelligence, qui tenait le sceptre. La violence, la plus faible des forces, possédait seule la domination.

Combien de temps dura cet état de choses ? En un sens, la réponse est facile : ce régime se prolonge encore partout où les espèces noire et jaune sont demeurées à l’état tertiaire. Ainsi, cette ancienne histoire n’est pas spéculative. Elle peut servir de miroir à l’état contemporain d’une notable portion du globe. Mais de dire quand la barbarie a commencé, voilà ce qui dépasse les forces de la science. Par sa nature même elle est négative, parce qu’elle reste sans action. Elle végète inaperçue, et l’on ne peut constater son existence que le jour où une force de nature contraire se présente pour la battre en brèche. Ce jour fut celui de l’apparition de la race blanche au

  1. Prichard, Histoire naturelle de l’homme (trad. de M. Roulin), t. I, p. 259.