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leur élégance, et comme un stigmate infligé par la partie la moins noble de leur sang, ils pratiquaient la barbare coutume du tatouage (1)[1].




über die Politik, den Verkehr und den Handel der vornehmsten Vœlker der alten Welt, t. I, p. 810 et pass.

(1) Wilkinson, Customs and Manners of the ancient Egyptians, t. I, p. 386. Les peintures égyptiennes portent témoignage de ce fait curieux, et ce qui établit complètement l’origine mélanienne de la coutume qu’elles dénoncent, c’est de voir cette même coutume répandue dans toute l’Afrique et sur la côte occidentale aussi bien qu’à l’est. Pour expliquer cette particularité, Degrandpré, surpris de voir des nègres tatoués, dit-il, en couleur, à la manière des Indiens, fait remarquer que les naturels traversent assez souvent toute la largeur de leur continent parallèlement à l’équateur, et que, de cette façon, on peut s’expliquer que les habitants de la Guinée pratiquent ce que les gens du Congo ont pu apprendre des navigateurs de l’Inde. (Voir Pott, Verwandtschaftliches Verhæltniss der Sprachen vom Kaffer und Kongo-Stamme untereinander dans la Zeitschrift der deutsch. morgenl. Gesellschaft, t. II, p. 9.) C’est une démonstration un peu pénible, à laquelle je substitue celle que voici : Comme il n’y a au monde aucun peuple se tatouant au moyen de peintures, appliquées seulement sur la peau ou pénétrant sous l’épiderme par incision, qui n’appartienne, de très près, aux espèces noire ou jaune, j’en conclus que le tatouage est une habitude propre à ces deux variétés et qu’elles l’ont fait adopter aux races blanches les plus fortement mêlées à elles. Ainsi, de même que les Chamo-Sémites et les Hindous, alliés aux noirs, se sont peints, de même les Celtes alliés aux jaunes en ont fait autant par une raison toute semblable. Il faut donc considérer les tatouages comme une marque de l’origine métisse et apporter beaucoup de soin à les étudier au point de vue ethnologique. C’est ce qu’ont très bien compris les savants américains. Les formes et les caractères des dessins tracés dans une tribu du nouveau continent ou de la Polynésie, sur le visage ou le corps des guerriers, ont souvent servi à faire reconnaître la descendance, en révélant des rapports avec une autre peuplade souvent fort lointaine. Il m’a été donné, à moi-même, de remarquer le fait dans la belle collection de plâtres de M. de Froberville. Ces empreintes reproduisent des têtes de nègres de la côte orientale d’Afrique. Sur le front de plusieurs de ces spécimens, on retrouve une série de points longitudinaux relevés en saillie par un gonflement artificiel des chairs, ornement de la nature la plus bizarre, mais tout à fait identique à ce que l’on voit pratiquer à plusieurs groupes pélagiens de l’Océanie. Le savant ethnologiste, dont l’obligeance m’a mis à même de faire cette observation, n’hésite pas à y découvrir la preuve d’une identité primitive d’origine entre les deux familles barbares que sépare une mer immense.

  1. (1) Wilkinson, Customs and Manners of the ancient Egyptians, t. I, p. 386. Les peintures égyptiennes portent témoignage de ce fait curieux, et ce qui établit complètement l’origine mélanienne de la coutume qu’elles dénoncent, c’est de voir cette même coutume répandue dans toute l’Afrique et sur la côte occidentale aussi bien qu’à l’est. Pour expliquer cette particularité, Degrandpré, surpris de voir des nègres tatoués, dit-il, en couleur, à la manière des Indiens, fait remarquer que les naturels traversent assez souvent toute la largeur de leur continent parallèlement à l’équateur, et que, de cette façon, on peut s’expliquer que les habitants de la Guinée pratiquent ce que les gens du Congo ont pu apprendre des navigateurs de l’Inde. (Voir Pott, Verwandtschaftliches Verhæltniss der Sprachen vom Kaffer und Kongo-Stamme untereinander dans la Zeitschrift der deutsch. morgenl. Gesellschaft, t. II, p. 9.) C’est une démonstration un peu pénible, à laquelle je substitue celle que voici : Comme il n’y a au monde aucun peuple se tatouant au moyen de peintures, appliquées seulement sur la peau ou pénétrant sous l’épiderme par incision, qui n’appartienne, de très près, aux espèces noire ou jaune, j’en conclus que le tatouage est une habitude propre à ces deux variétés et qu’elles l’ont fait adopter aux races blanches les plus fortement mêlées à elles. Ainsi, de même que les Chamo-Sémites et les Hindous, alliés aux noirs, se sont peints, de même les Celtes alliés aux jaunes en ont fait autant par une raison toute semblable. Il faut donc considérer les tatouages comme une marque de l’origine métisse et apporter beaucoup de soin à les étudier au point de vue ethnologique. C’est ce qu’ont très bien compris les savants américains. Les formes et les caractères des dessins tracés dans une tribu du nouveau continent ou de la Polynésie, sur le visage ou le corps des guerriers, ont souvent servi à faire reconnaître la descendance, en révélant des rapports avec une autre peuplade souvent fort lointaine. Il m’a été donné, à moi-même, de remarquer le fait dans la belle collection de plâtres de M. de Froberville. Ces empreintes reproduisent des têtes de nègres de la côte orientale d’Afrique. Sur le front de plusieurs de ces spécimens, on retrouve une série de points longitudinaux relevés en saillie par un gonflement artificiel des chairs, ornement de la nature la plus bizarre, mais tout à fait identique à ce que l’on voit pratiquer à plusieurs groupes pélagiens de l’Océanie. Le savant ethnologiste, dont l’obligeance m’a mis à même de faire cette observation, n’hésite pas à y découvrir la preuve d’une identité primitive d’origine entre les deux familles barbares que sépare une mer immense.